CHARLES MINGUS - Moins qu'un chien

Mingus présente Mingus : "en d’autres termes, il y a 3 hommes en moi. L’un d’eux occupe toujours le milieu : indifférent, impassible, il observe, il attend que les deux autres le laissent s’exprimer et leur dire ce qu’il voit. Le deuxième est comme un animal apeuré qui attaque de crainte d’être attaqué. Et puis il y a un homme doux et aimant, trop aimant, qui laisse autrui pénétrer jusque dans le saint des saints de son être, encaisse les insultes, fait confiance et signe les contrats sans les lire, se laisse convaincre de travailler au rabais ou gratis et qui, lorsqu’il s’aperçoit qu’on l’a possédé, a envie de tuer et de détruire tout ce qui l’entoure, y compris lui-même, pour se punir d’avoir été si stupide. Mais il ne s’y résout pas – et il retourne s’enfermer en lui même".

CHARLES MINGUS - Moins qu'un chien, nov. 2021
CHARLES MINGUS - Moins qu'un chien

Parenthèses :: 1971 / 1985 :: acheter ce livre
Traduit de l'anglais par Jacques B. Hess

Certaines œuvres nous restent dans l’estomac plus longtemps que d'autres ; des œuvres qui nous touchent, nous remuent, qui font qu’après, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Au fond, c’est ce que nous recherchons peut-être, même si entre temps une bonne digestion est recommandable.

Chez Mingus, bien entendu il y a les disques ; des disques extrêmes comme l'est sa musique. Un ami, en parlant de Monk disait fort justement : "il est sa musique". Poursuivons : Mingus est sa vie, et son équilibre est radical.

Une autobiographie étrange, où celui qui l’écrit met son âme totalement à nu plutôt que d’exposer de simples faits pour alimenter sa légende. Bien sûr, il y a l’histoire du contrebassiste, son enfance, la découverte du grand amour, sa poursuite d’existence. Il y a les anecdotes : ces 23 filles de joies mexicaines baisées en une nuit parce qu’il voulait mourir, et après cette nuit folle, il rentra chez lui et finit par se masturber seul, radicalement seul.

Toutefois ce qui domine ce livre, ce sont les sentiments : l’amour bien sûr : son grand amour, et puis les autres femmes qu’il rencontre : cette femme qui a mal lorsque son sexe la pénètre, cette autre qui se prostituera pour lui, et fera de sa femme de cœur et de chair, un double, une pute, une déesse putain…

Sentiments, sentiments toujours : la rage contre un système, contre l’oppression, ces gens qui ne comprennent rien à rien, la soif de vivre, libre, de choisir, de créer, d’aimer. Oui Mingus est entier, jusqu’à l’excès même, mais surtout, il est d’une sincérité rare.

La musique s’efface dans ses lignes; il en parle peu, en fait, elle est tellement collée à sa personnalité profonde, qu’on l’a sent partout, omniprésente. Mais ce livre est tellement plus que cela, plus qu’une autobiographie, plus qu’un récit de musicien, non tout cela est dépassé, surpassé.

Il y’a des couilles là dedans, un cœur qui bat, des yeux qui brillent, une bouche qui crache sa bile, des joues en larmes, de la vie comme s’il en pleuvait… Disons que c’est le genre de bouquin dont on se souvient longtemps après…

Je me demande si je ne pourrais pas hypnotiser toutes les prostituées du monde et les lancer nues dans les rues pour qu’elles violent tout les hommes ! Leur impureté envahira les palais de nos leaders, ces déments qui méditent la conquête et la destruction du monde, et dont les épouses sont aussi des femmes oubliées.

Je répandrai le phénomène dans tous les pays, j’éveillerai les femmes de Russie, de France, d’Allemagne, du Japon – elles seront si nombreuses que la police ne suffira à les arrêter, et même les auxiliaires féminines de la police se joindront à elles. Et quand mes femmes hypnotisées se jetteront sur les chefs d’Etat, les yeux du monde se dessilleront.

On saura qu’Hitler ne pouvait avoir une érection que porté par les Heil Hitler ! des foules ou de sa maîtresse, Eva, que Napoléon était un pédé et Mussolini un drogué, que Goering se défonçait à l’héroïne 24 heures sur 24, que les rois et les princes sont des pervers et des cocaïnomanes qui font arrêter les pauvres pour en avoir fait 10 fois moins qu’eux.

Il est temps de savoir ce que sont les leaders qui nous envoient à la mort pour pouvoir, eux, échapper à la vie. Putains, arrachez les vêtements de nos leaders dès aujourd’hui dans le monde entier ! S’ils se sauvent, portez les ciseaux à l’endroit où devraient se trouver leurs couilles ! Ce monde est malade, sauvez-le, ô inestimables putains !

YOJI YAMADA - Le Samouraï du Crépuscule

Tasogare Sebei est un samouraï. OK ça, c’est dans le titre. Il vient de perdre sa femme, et du coup, il a à sa charge ses deux filles en bas âge et sa mère qui devient sénile comme un homme politique. Les finances de la famille sont difficiles. Le kimono de Tasogare devient haillons, et son apparence se néglige. Il n’a plus de temps à lui et sa vie prend des allures de labeur sans fin.

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SEBASTIEN TELLIER - Sexuality

L'été, la chaleur, l'océan, des corps à moitié nus, des ambiances moites... Achtung ! Une citation freudienne comme un passage obligé : "ce qui caractérise toutes les perversions, c'est qu'elles méconnaissent le but essentiel de la sexualité, c'est-à-dire la procréation".

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HARLAN COBEN - Ne Le Dis à Personne...

Harlan Coben est devenu en l'espace de cinq ans un poids lourd du roman policier, pour ne pas dire le patron de ce genre. Forcément, il a autant de fans que de détracteurs : à tort ou à raison. Pour mieux comprendre le phénomène, zoomons sur son premier livre, celui qui lui apporta le succès : Ne Le Dis à Personne.

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BRYAN BARBER - Idlewild

Idlewild, c’est la triste histoire d’un flop incompréhensible qui dans un monde parfait n'aurait pas dû exister. On pourrait croire que lorsqu’un groupe du calibre d’Outkast émet le souhait de se lancer dans le cinéma, les portes soient grandes ouvertes. Et bien non : budget et délai serrés, distribution calamiteuse. A croire que tout le monde s’en fiche ou presque. Au vu du film, c’est plus qu’injuste.

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ALBERT CAMUS - L'Etranger

Une question : quel est le bouquin préféré des français ? Pas d'enveloppe, pas de suspense, les sondages sont formels, il s'agit du livre d'Albert Camus au titre parfait : L'Etranger.

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TSUI HARK - The Blade

The Blade nous raconte l’histoire de Ding On. Au départ, simple artisan dans une fabrique d’armes, il découvre une part d’ombre dans sa vie : son père a été tué par un meurtrier sanguinaire. Mais le destin est sinueux et suit son propre court, car Ding On va perdre un bras en voulant sauver une femme des bras des brigands.

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DOC GYNECO - Première Consultation

Je ne sais pas mais certains artistes sont chiants. Parfois ils disent tout en une œuvre, un rôle, un tableau, et pourquoi pas une attitude. C’est triste lorsqu’on y pense, reste une question : et après ?

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DINO BUZZATI - Le Desert des Tartares

La mort ? Pour en parler de manière directe, il semble qu’il faille immanquablement tourner autour du pot. André Breton choisit par exemple d’évoquer le temps et sa fuite mouvante : "le revolver aux cheveux blancs". Classe, mais la réalité peut paraître beaucoup plus tragique : tombe, poussière tu redeviendras poussière, mais pourquoi bon sang ? Le destin, machine infernale et gourmande…

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Peut-on se lasser du générique des Sopranos ?

C’est sûr, un bon générique ça ne fait pas tout, mais c’est comme les cartes de visites, quitte à en avoir une, autant qu’elle ait de la gueule. Générique dit aussi médicament (huf huf), mais surtout musique. Pas mal de séries cultes ont justement leurs musiques cultes : Mac Gyver, Dallas, Amicalement Vôtre, L’Agence tout Risques, etc... On connaît tous ces thèmes par cœur, mais posons les vraies questions : qu’est-ce qui fait un bon générique ?

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DAVID LLOYD & ALAN MOORE - V pour Vendetta (V for Vendetta)

La vie est un théâtre, une grande illusion et je vais casser la baraque, parce qu’ils ont oublié cet aspect de la vie ; ils ont laissé leur script derrière eux quand le monde a tremblé devant la menace nucléaire. Mais je suis là pour leur rappeler le mélodrame, pour leur rappeler Guignol et les feuilletons à deux sous. Tu vois Evey, le monde est une scène et le reste n’est qu’un Vaudeville.

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JEAN-CHRISTOPHE ROSE - Maradona, un Gamin en Or

Tout génie a sa passion : celle de Diego est dans un ballon noir et blanc ; petite balle de cuir qui tourne et roule inlassablement, et ce, que ce soit sur un terrain vague ou une pelouse britannique. Tout génie a son œuvre, celle de Diego est dans ses pieds Midas, dans son toucher de balle, ses dribbles, ses feintes chaloupées, ses buts. Oui, c'était un inventeur fou et génial, façon Emmett Brown, mais sans fiction. Ses créations ? Simples, de courts moments de grâce pure... Boire le calice jusqu’à lie, dit-on ? Oui allons-y ! Quitte à subir l'arrière-goût acide de l'amertume.

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JOHN MAC TIERMAN - Die Hard

Qui dit film d’action, dit un peu Die Hard. Tout le monde se devrait de connaître Piège de Cristal, classique des classiques du genre, au même titre que 48 Heures ou L'Arme Fatale. Cela aurait dû rester une trilogie (quoique je n’aie pas visionné le quatrième). Mais comme le faisait remarquer avec beaucoup de justesse Kate Moss dans le fanzine underground, Godemichet en Or : Die Hard, on se souvient surtout du premier, et du troisième. Vrai, même si le 2 contient de grands moments : la scène du guet-apens sur tapis roulant, le final à base de siège éjectable, mais en mode recul, c’est tout de même pas la même chose.

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LEON GAST - When We Were Kings

C’est un fait, cela fait bien longtemps que le sport ne se limite plus au seul cadre des stades. Les dieux du stade sont devenus des symboles : médiatiques, idéologiques, et forcément politiques. Quelque part, c’est terriblement inquiétant, comme si la performance sportive devenait un engagement, un signe de ralliement, porteur d’idées et d’idéaux.

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J. G. BALLARD - Crash

Petit synopsis : la voiture de James Ballard percute celle du couple Remington. Le mari meurt, la femme survit mais en garde de nombreuses blessures aux jambes. "Avait-elle compris ce qui s’était passé dans la voiture ? Se rendait-elle compte que j’avais suivi cette route de nombreuses fois, dans de nombreux véhicules, et que par cette mort dont elle parlait j’avais célébré l’union de mon orgasme et de nos blessures." De cet accident, naît une rencontre sur les lieux même du Crash revisité : Ballard et Helen Remington vont s’unir entre le métal et la mort.

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SAM GREEN & BILL SIEGEL - The Weather Underground

Le documentaire de Sam Green et Bill Siegel nous plonge dans l’univers politique américain des seventies à travers une organisation aussi intrigante que polémique : The Weather Underground. Le contexte : Nixon est au pouvoir, la guerre du Vietnam divise le pays, les noirs luttent pour leurs droits, le mouvement hippy flotte sous acide, le sexe déborde par vagues de sécrétions "spermiques". Un air de révolte souffle de toute part : comme une aspiration vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité. Mais ces mots ont-ils encore un sens dans l’antre du capitalisme qui rime avec nouvelle hégémonie mondiale ?

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CLINT EASTWOOD - Bird

L’extinction consumée d’un homme qui enflamme son instrument : ainsi pourrions-nous présenter la vie de ce jazzman que ses compères prenaient plaisir à appeler Bird ; l’oiseau qui voulait entrer en volant au cœur de la mélodie, la multiplier, la rejouer encore et encore, comme pour assujettir l’emprise qu’elle pouvait avoir sur lui. Bird, le film de Clint Eastwood l'illustre merveilleusement bien ; sujet difficile à traiter, et pourtant… Pourtant cette œuvre nous apparaît naturelle ; jazz naturel et naturel humain à la fois.

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HONORE DE BALZAC - La Femme de Trente Ans

Autant ne pas faire de vilaines cachoteries : La Femme de 30 Ans, ce n’est pas Le Lys dans la Vallée, ni La Cousine Bette, encore moins Les Illusions Perdues. On baptise cela généralement œuvre mineure ou œuvre de jeunesse, au choix ; mais sans oignon s’il vous plaît. Mais de quel auteur s’agit-il ? Ah oui, c’est ce bonhomme sacré, ce rondouillard moustachu, dandy solitaire et mondain à la fois, celui qui est craint par tous les collégiens et lycéens de France et de Navarre.

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COLLECTIF - Haiku, Anthologie du Poeme Court Japonais

"Et les fruits surpasseront la promesse des fleurs...." Voici les vers d'un poet poet français classique, Malherbes ou un autre oldtimer, je ne me rappelle plus bien. L'essence de cette phrase pourrait rejoindre celle de ces poètes amateur de brièveté et de destinations alambiquées : les haikistes. C'est bobo le haiku, n'étant pas bourgeois, soyons juste beau, et laissons les mots de saison recouvrir le sommet de nos couvre-chefs neigeux.

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CHARLOTTE ZWERIN - Thelonious Monk, Straight No Chaser

Les premières images de ce documentaire donnent d’entrée le ton ; il est swing et rude ! Thelonious Sphere Monk est debout, il arpente la scène dans une danse étrange puis regagne son piano. Son pied droit s’agite, son corps semble sous l’emprise de rythmes qu’il est le seul à connaître. Ses doigts touchent l’instrument. Ce toucher, son toucher ressemble aux coups de pinceau d’un peintre torturé, qui voudrait dans sa toile, dessiner ce que l’on ne peut voir, composer ce que l’on ne peut entendre…

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