LEON GAST - When We Were Kings

C’est un fait, cela fait bien longtemps que le sport ne se limite plus au seul cadre des stades. Les dieux du stade sont devenus des symboles : médiatiques, idéologiques, et forcément politiques. Quelque part, c’est terriblement inquiétant, comme si la performance sportive devenait un engagement, un signe de ralliement, porteur d’idées et d’idéaux.

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Dès le départ, les valeurs du sport sont ambiguës : travail, discipline, dépassement de soi certes, mais aussi culte du corps, culte de l’exploit, culte tout court. Les dérives qui en suivent sont logiques. Le sport de haut niveau est dangereux pour la santé, est-il dangereux pour l’esprit ?

Ce n’est pas à proprement parler le sujet de When We Were Kings. Non, ce doc zoome sur Mohammed Ali et le combat historique qui l’a opposé à Georges Foreman en 1974. Cependant à travers ce sujet, le rapport sport/média/poltique se pose dans toute sa complexité. Mais reprenons…

Toute une époque : les années 60, politisées à mort (voir le doc sur le Weather Underground), faites de luttes multiples ayant comme trait commun : l’idée de libération. Les USA se prirent alors tout "leurs travers" dans la gueule et c’était bien mérité. Ainsi, La lutte des noirs pour leurs droits fut plus que légitime dans ces contrées racistes et ségrégationnistes.

Forcément de grandes figures émergèrent, des leaders politiques (Malcom X, Martin Luther King), des personnalités emblématiques (James Brown, Mohammed Ali…).

On me répète : "Mohammed, tu n'es plus comme il y a 10 ans." J'ai demandé à ta femme, elle a dit que tu n'es plus le même qu'il y a 2 ans !

Mohammed Ali donc, boxeur génial, et grande gueule invétérée qui clamait haut et fort à la face de l’Amérique : "je suis black, je suis beau, je suis fort, je viens d’Afrique et j’en suis fier". Condamné pour avoir refusé de participer à la guerre du Vietnam, il fut un champion, un personnage charismatique, un symbole légitime mais peut être aussi, à son insu, une marionnette.

En 1974, on le disait : vieux, fatigué, grillé comme Chirac en 2002. Lui voulait encore prouver qu’il était là, prêt à défier n’importe qui sur le ring, y compris le jeune champion au punch monstrueux : Georges Foreman. L’électrique Don King sortit le grand jeu pour organiser le combat du siècle.

Foreman contre Ali, la vieille légende contre le jeune téméraire, le danseur contre le cogneur, la verve contre le silence, le feu contre la glace. Le cadre de ce combat se devait d’être particulier. A coup de dollars, ce fut le Zaïre de Mobutu qui fut choisit. L’Afrique symbolique, l’Afrique maternelle, l’Afrique corrompue et monstrueuse aussi.

Hier soir j'ai éteint la lumière, j'étais au lit avant qu'il fasse noir !

Jamais sans doute, le sport ne fut aussi près de la politique, jamais aussi le sport ne fut aussi beau et aussi laid à la fois. Laid, car il s’associa à une dictature immonde, une dictature africaine prête à dépenser des sommes folles pour faire sa promotion et sa propagande à travers cet évènement sportif.

Anecdote tragique : sous le stade où le combat eu lieu se trouvait une prison où des gens ont été exécutés en masse.

Malaise, malaise, comme si la cause noire se perdait elle-même dans ses paradoxes, comme si elle embrassait ce qu’en même temps elle dénonçait : le n’importe quoi absurde, dérangeant, fascinant et révoltant.

Reste le sport, et là, c’est incroyablement beau.

Tout le monde prédit la chute d’Ali, une chute rude, sans pitié, un abattoir. Lui-même, est terrifié, la grande trouille, alors il parle et parle encore, dit qu’il va démonter son adversaire, que cela ne fait aucun doute, mais au fond, il sait que Foreman est fort, jeune, rapide, et que ses chances sont minces.

J'ai coupé des arbres, j'ai fait quelque chose de nouveau. Je me suis battu contre un alligator. Oui, un alligator, et j'ai lutté contre une baleine ! J'ai attrapé un éclair, emprisonné la foudre ! Je suis dangereux ! La semaine dernière, j'ai tué un roc, blessé une pierre, envoyé une brique à l'hosto ! Je suis pire que tout !

Le ring se transformera en scène où le spectateur verra à la fois ses envies, ses fantasmes, ses craintes, ses dégoûts, une apothéose, une chute… Oui une grande scène où la comédie humaine se boxe… Entre deux états : un corps qui tombe et un autre qui reste debout. When We Were Kings, c’est cela : des rêves qui s’élèvent dans les cieux, d’autres qui se roulent par terre.

Fascinant.

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