DAVID LLOYD & ALAN MOORE - V pour Vendetta (V for Vendetta)

La vie est un théâtre, une grande illusion et je vais casser la baraque, parce qu’ils ont oublié cet aspect de la vie ; ils ont laissé leur script derrière eux quand le monde a tremblé devant la menace nucléaire. Mais je suis là pour leur rappeler le mélodrame, pour leur rappeler Guignol et les feuilletons à deux sous. Tu vois Evey, le monde est une scène et le reste n’est qu’un Vaudeville.

Delcourt :: 1990 / 1999
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Ouvrons une perspective sur l'œuvre d'Allan Moore (c'est qui ? Faut écouter, faut lire, surtout lui). Adaptée au cinéma, comme souvent, l'œuvre originale se suffit à elle-même ; dans la droite lignée d'une certaine idée de la cité, de son organisation, mais aussi de sa liberté. Vous avez dit Platon ? Le mythe de la caverne ? un truc du genre, un peu groove, un peu rude, oui façon Raekwon : raw like timberland wears.

Angleterre. Fin du 20ème du siècle. La verte Albion est aux mains du fascisme. Le "système", appareil d’état omniprésent, surveille tout et tous. Dans cet enfer où la répression brutale et les humiliations individuelles sont monnaie courante, chacun s’est résigné à son sort. Personne n’ose plus se battre contre le système. Personne… sauf V. Mais qui est V ?

C’est l’ombre qui plane au dessus du pouvoir, le bras vengeur… C’est aussi un formidable exutoire pour tous ceux qui sont dégoûtés, révoltés par les politiques qui n’offrent que des rustines comme vision d’avenir.

N’hésitons pas à le dire : la direction est nulle. Nous avons eu une bande d’escrocs, d’imposteurs, de menteurs et de déments qui ont pris une suite de décisions catastrophiques. C’est un fait ! Mais qui les a élus ?

Ces mots sont proches d’une certaine actualité, et pour cause, derrière le pamphlet, une vérité quasi-universelle transparaît : l’emprisonnement des hommes. Pas simplement par un système, mais par les hommes eux-mêmes qui y trouvent un confort bien douillet.

V, derrière son masque, ses dagues et ses citations de Shakespeare, amène l’anarchie comme ultime remède. Mais l’anarchie au sens premier du terme : l’ordre naît de la liberté, sous-entendu, le désordre du pouvoir. Et la révolution s’en suit forcément…

L’ordre s’il est imposé engendre le mécontentement, père du désordre, parent de la guillotine.

Personnellement je crois plus en la révolution intérieure et personnelle qu’à ce genre d’idéologies de masses, mais V fait toujours du bien en ces temps consensuels bourrés à craquer de stéréotypes. Surtout qu’à travers cette histoire, les auteurs expriment plus leur dégoût des classes dirigeantes et leur amour effréné pour la liberté qu’un ralliement pur et dur à une cause.

Mais stop la politique, la BD en elle même est grandiose. Le graphisme, très particulier, donne à cet univers une teinte chaotique et décadente qui colle parfaitement à la narration.

La narration en elle même justement est incroyable. Un labyrinthe fait de zones d’ombres qui se dissipent peu à peu, mais lentement, très lentement pour que le lecteur ait le temps d’apprécier l’odeur du brouillard. Derrières les masques, visibles ou invisibles, se révèlent des destins dans leur nudité violée.

Ok, je vais arrêter les phrases pompeuses, cette BD tue un point c’est tout. Allez une dernière pour la route, cul sec s’il vous plaît :

Le bruit est proportionnel au silence qui l’a précédé. Plus le calme était absolu, plus le coup de tonnerre choquera. Nos maîtres n’ont pas entendu la voix du peuple depuis des générations…et elle est bien plus puissante qu’ils ne veulent s’en rappeler.

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