DINO BUZZATI - Le Desert des Tartares

La mort ? Pour en parler de manière directe, il semble qu’il faille immanquablement tourner autour du pot. André Breton choisit par exemple d’évoquer le temps et sa fuite mouvante : "le revolver aux cheveux blancs". Classe, mais la réalité peut paraître beaucoup plus tragique : tombe, poussière tu redeviendras poussière, mais pourquoi bon sang ? Le destin, machine infernale et gourmande…

Arnoldo Mondadori/Robert Laffont :: 1945/1949 :: acheter ce livre

Le 20ème siècle fut plus qu’un autre égoïste et absurde : existentialiste ? Les livres, les actes, les témoignages ne manquent pas. Tiens un ouvrage dépasse : Le Désert des Tartares ? Cela me fait penser que je n’ai jamais compris cet engouement autour du steak tartare. Mais de quoi parlons-nous ? De la mort pardi, de cette fin qui, si l’on prend le temps de lever les yeux, est au-dessus de nous telle l'épée de Damoclès…. Changeons d’axe : Buzzati, rire bavard : l’Italie, les voitures, les jolies romaines, les profiteroles, des images cartes postales semblables aux disques du dernier des Bevilacqua : Christophe, la Dolce Vita ?

Au fort de Belonzo
qui domine la plaine
d'où l'ennemi viendra
qui (le) fera héros...

Ecrit en 1940, publié en 49, Le Désert des Tartares, comme Harry Potter, est un best seller. En clair, il se vend autant que des boîtes de conserves Buitoni. Pourtant, il n’est pas épais, plutôt court, qui plus est l’auteur ne s’est même pas foulé à nommer ses chapitres. Il n’y a même pas de suite, même pas de figurines, et son héros : un certain Giovanni Drogo, inconnu à La Fiorentina, enfin Giovanni est un loser fini, pire que Le Dude Lebowski.

Drogo est beau et sent bon le sable chaud lorsqu’il atterit au fort Belonzo. Comme tout les jeunes gens de son âge, il rêve d’une grande carrière. La télé réalité n’existe pas encore, mais tout va bien, l’armée ou l’église, le rouge et le noir, sont biens présentes. Giovanni Drogo, militaire fier, par un concours de circonstances étranges, se voit affecté dans un endroit qui l’est encore plus : le FORT BELONZO.

Jusqu’alors il avait avancé avec l’insouciance de sa première jeunesse, sur une route qui, quand on est enfant, semble infinie, où les années s’écoulent lentes et légères, si bien que nul ne s’aperçoit de leur fuite.

Ainsi, quelques machines aux rouages secrets se mettent en marche, mais non; humain après tout et à partir de ce moment : quelque chose cloche. Vices ? Pêchés ? Orgueil ? Ce ne sont que des mots vidés de leurs sens, la réalité est tout autre…

Drogo n’échappe pas à la règle et pourtant il cherche à échapper à sa réalité, à son quotidien, mais à son contact, avec les années et les expériences, il découvre une paix douce et langoureuse : appelons cela le confort.

A mon sens, trop parler de l’histoire, de la narration de ce livre est inélégant au possible : ce serait casser le charme étrange que Buzzati a créé avec son œuvre et qu’il est préférable d’en préserver les vertus, du moins, ne serait-ce que pour les futurs lecteurs.

Ainsi je vais synthétiser le plus simplement, c’est amusant parfois.

A guerrier sans honneur, pas de belles couronnes

Ils se levèrent du divan. Elle se taisait, comme attendant que Drogo lui parlât, et elle le regardait peut-être avec un restant d'amour. Mais les pensées de Giovanni, à la vue du jardin, s'envolèrent vers les maigres prairies qui entourait le fort : là-haut aussi, la belle saison était proche, de courageuses petites plantes pointaient entre les cailloux. C'était peut-être à ce moment-ci, des centaines d'années auparavant, que les Tartares étaient arrivés.

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